1968 dans les Amériques et la Caraïbe - Colloque international - Université de Poitiers 15-17 octobre 2018

1968 dans les Amériques / 1968 in the Americas / 1968 en las Américas

Arts – Histoire – Littérature –  Sciences Politiques – Sciences sociales

Colloque international - Université de Poitiers

15-17 Octobre 2018

 

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1968-2018. Cinquante ans se sont écoulés depuis les mouvements de contestation de mai et juin 1968 en France, depuis que la convergence des crises (estudiantine, sociale et politique) et des luttes a conduit à une « révolution » qui a marqué les esprits par son caractère à la fois inédit mais également par son internationalisation. Un demi-siècle plus tard, cependant, nous proposons de relire la portée de ce mouvement en décentrant le regard outre-Atlantique et en l’abordant dans sa dimension transaméricaine et caribéenne.

L’abondante bibliographie qui a analysé le mouvement le place, pour ce qui concerne l’Hexagone, dans une perspective qui le situe souvent comme centre de l’extension européenne de la « contestation » et, selon les points de vue, comme source de désordres ou, à l’inverse, pour les progressistes notamment, comme simple mouvement anti-autoritaire. Toutefois, on constate que la majoité de ces lectures tendent à éluder de cette année symbolique et charnière pour la seconde moitié du XX° ce qui en a fait sa nature: l’insubordination anti-systémique sociale –ouvrière- ou géopolitique. En effet, on ne saurait circonscrire 1968 aux barricades de la rue Gay-Lussac et du Boulevard Saint-Michel de la nuit du 10 au 11 mai, pas plus qu’à un simple mouvement de contestation étudiant ou générationnel. Si le mouvement de mai-juin 68 représente, en France, la plus grande grève de l’histoire du mouvement ouvrier occidental, il déborde largement les frontières nationales et continentales et « court-circuite » le monde tel qu’il semblait exister depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la division de la planète en deux blocs.

S’inaugurant avec l’offensive du Têt, pour le Nouvel-An vietnamien, 1968 parcourt et secoue la planète, d’Ouest en Est, en passant par le Sud et le Nord, des campus de Berkeley aux rues de Prague, de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, jusqu’à Santiago du Chili. Symboliquement, « 68 » marque le début d’un cycle de contestation sociale et politique qui remet en cause autant le capitalisme des Trente Glorieuses, tel qu’il est décliné à échelle globale, que le socialisme réellement existant.

En ce sens, les Amériques et la Caraïbe représentent des aires qui se retrouvent traversées et interconnectées par les enjeux majeurs posés par le « mouvement 1968 ». De ce point de vue, les « années 1968 », années de révoltes, ne seront closes que par la « (contre)-révolution conservatrice » qui commence au Chili en septembre 1973 et triomphe entre janvier 1981, avec l’élection de Ronald Reagan, et 1983, avec l’opération militaire étatsunienne « Urgent Fury », contre la Grenade de Thomas Bishop.

Pour les États-Unis, 1968 s’inscrit dans le sillage de ce que certains ont pu appeler, en amont, les « long sixties » et qui, pour l’Amérique latine, sera un moment plus fondateur de ce que seront, en aval, « los setenta ». L’année 1968 étatsunienne est marquée par des secousses d’une intensité inédite, tel le signal d’un nouveau cap passé dans la multiplication des fronts contestataires (mouvement de libération noire, pour la liberté d’expression, combat féministe et opposition massive à la guerre du Vietnam, etc). Au Canada, la fondation, en octobre 1968, du PQ, signifie une nouvelle approche et une définition innovante de la politique régionale et semble une réponse à la montée en puissance du FLQ dont les actions spectaculaires ne sont pas sans rappeler celles du MLN-Tupamaro uruguayen.

L’Amérique latine et la Caraïbe, le « back yard » étatsunien –et européen, dans le cas de certains territoires- connaissent un ébranlement inégal mais similaire en intensité à celui que connaît l’Amérique du Nord avec, notamment, les premières grandes manifestations antidictatoriales que vit le Brésil au mois de mars ou, pour ce qui est de l’aire caribéenne anglophone, la contestation du gouvernement Hugh Shearer au cours des Rodney Riots de Kingston en octobre.

Le 68 sud-américain apparaît dans un temps plus large qu’une seule année. Mais il est traversé par les mêmes besoins de redéfinition de la gauche traditionnelle et par les  questionnements que propose la « nouvelle gauche » au moment où la Révolution cubaine, – face à l’assassinat de Guevara en octobre 67, au désastre des guérillas non-urbaines et à son positionnement vis-à-vis du Printemps de Prague – réoriente ses stratégies continentales et extra-continentales. Le FSLN nicaraguayen est à cet égard un bon exemple de la rénovation stratégique qui va marquer la décennie suivante. Dans le cas du Cône sud, il convient d’observer la mise en place d’une évolution de l’articulation du contact des luttes entre monde rural, monde urbain-ouvrier et les nouveaux acteurs que sont les jeunes engagés. A un niveau plus institutionnel, au Pérou, le général Velasco Alvarado prend la tête d’un « gouvernement révolutionnaire » qui va structurer l’horizon de la décennie suivante.

Toutefois, du point de vue transaméricain, le point d’orgue de l’année se concentre sur Mexico et autour des quelques jours séparant d’un côté, le massacre de la Place des Trois Cultures et, de l’autre, tel un écho, l’acte de Tommie Smith et de John Carlos qui transforment par leur poing levé les Jeux Olympiques qui se tiennent dans la capitale mexicaine et connectent les mouvements des Amériques du nord.

A l’aune du feuilletage de lectures souvent dissensuelles et parfois radicalement opposées qui caractérisent les « anniversaires décennaux » de l’année 1968, 2018 sera l’occasion de confronter l’état de la recherche portant sur cette période. Ce colloque a donc pour but de tracer des liens entre les multiples configurations sociales, politiques, théoriques et artistiques qui ont caractérisé la vague « soixante-huitarde » dans les Amériques. Son approche se veut ainsi résolument comparatiste, transaméricaine et interdisciplinaire.

Le Colloque International « 1968 dans les Amériques et la Caraïbe » se donne pour objectif de s’intéresser spécifiquement à l’année 1968 et à ses effets, en embrassant largement l’aire caribéenne ainsi que nord, méso et sud-américaine. Les organisateur-trice-s entendent favoriser les approches pluridisciplinaires et mettre en lien les aires géo-culturelles, de façon à insister sur les transversalités, les échanges, les transferts culturels et politiques ainsi que les parallélismes dont l’année 1968 est porteuse. Des communications, ateliers ou workshops thématiques pourront être proposés autour des axes suivants listés de façon non-exhaustive. Nous proposons de décliner l’année 1968 à l’aune de plusieurs prismes, lectures et présentations issus des champs d’investigations suivants : Littérature, Arts (arts visuels, cinéma, musique), Archives et Manuscrits, Histoire, Sciences Politiques et Sociologie. Le colloque est largement ouvert aux approches transdisciplinaires « informatisées » dans une perspective dite des « humanités numériques ».

 

Les axes de réflexion sont les suivants :

A- Internationalismes

*Solidarités internationales

*Discordances et ruptures

* Les « Mais » en échos : « mai français » dans les Amériques, « mai » latino-américain en Europe

B- Contestations et droits

*Afro-américanité(s)

*Féminismes transaméricain(s) ?

*Revendications autochtones, indigènes, émancipation et luttes d’indépendance

* Premières contestations environnementales 

C- Figures de la révolte

*Les étudiants transforment le monde

*Jeunesse et Contre-culture

*La révolution dans et sur les corps

D- Révolutions et revers de la révolution 

*Contre-révolution et doctrine de sécurité nationale

*Radicalités, canalisations gouvernementales de la contestation

*Emeutes, riots, revueltas, guérillas et luttes armées : violence et modalités de l’affrontement

*Églises et révolutions dans les Amériques et la Caraïbe

*La « nouvelle gauche » et 1968 

E- Insubordinations ouvrières

*Situations d’usine : la révolution sur la chaîne

*Le syndicalisme et 68

*Ouvrier-masse et nouvelles figures prolétariennes

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